obs_hypermodernite1Référence: Aubert, Nicole. « Un individu paradoxal » in Nicole Aubert (dir.), 2004. L'individu hypermoderne, Eres.

Sujet du texte
Cet article traite de l’individu hypermoderne. Le texte est en fait l’introduction d’un ouvrage collectif qui propose une réflexion sur les différentes figures de l'individu dans un contexte où la modernité est devenue hypermodernité. Nicole Aubert pose donc, dans l’introduction, les concepts, les notions ainsi que la définition de l’individu hypermoderne à partir de laquelle la réflexion se fait tout au long de l’ouvrage. Un survol des traits communs et des attitudes de l’individu hypermoderne est effectué, après avoir discuté de la société qui le produit.

« Un individu paradoxal »

Capsule de lecture

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Intentions et objectifs de l’auteur dans le texte
L’intention de l’auteur est de définir le sujet hypermoderne et de justifier l’utilisation d’un tel qualificatif pour désigner la personnalité contemporaine. L’objectif consiste à expliquer les transformations qui s’opèrent au niveau du lien social et de faire la sociologie de l’individu contemporain afin de mieux comprendre l’identité de ce dernier.

Hypothèse et questions de recherche
Pourquoi avoir choisi d’appeler « hypermoderne » l’individu contemporain ?
Quelle est son identité ?
Cette identité est-elle si différente de celles qui avaient cours aux époques précédentes ?

    L’hypothèse du texte est que des mutations importantes se sont opérées chez l’individu et dans le social, qu’un nouveau type d’individu est apparu et que ces différents changements sont liés aux caractéristiques de la société contemporaine.

    Il est communément admis que la période moderne aurait commencé à la Renaissance avec, comme principal élément de rupture, l’affranchissement par la science. Trois idées principales sont sous-jacentes à la modernité : le progrès, la raison et le bonheur. Aujourd’hui, ces valeurs sont en crise et ont perdu leur sens originel. On rompt progressivement avec l’idée que la rationalisation du monde est synonyme d’émancipation humaine. La postmodernité exprime cette rupture avec la modernité.

    Parallèlement, les « structures d’encadrement social et spirituel » (famille, parti, église, école) de l’individu s’effritent. On assiste au rejet de ce que Lyotard appelait les « grands récits » idéologiques ou religieux qui constituaient un repère explicatif solide du monde réel. Point à l’horizon un individu consommateur libéré de toutes formes d’entraves et axé uniquement sur sa jouissance personnelle.

    Modernité, postmodernité, hypermodernité
    Aujourd’hui, selon Aubert, le concept de postmodernité ne rend pas compte des changements qui se sont opérés dans la société suite à la rupture avec la modernité. Le concept d’hypermodernité remplit cette fonction dans la mesure où il met l’accent sur le fait que les traits de la modernité se sont exacerbés.

    La notion d’hypermodernité est cadrée par trois paramètres : excès, incertitude et fragmentation quant à la définition de soi. Cette idée d’augmentation et d’intensité renvoie directement à l’idée de modernité exacerbée. La personnalité que l’hypermodernité crée est celle d’un individualiste qui vit dans une société de la satisfaction immédiate et qui n’offre pratiquement plus de référents communs sinon que la prise de « risque partagé ».

    Dans ce contexte d’hypercompétitivité permanente, l’individu, réduit à une identité de consommateur, doit lutter pour son existence sociale et composer avec l’émergence de nouvelles pathologies : nouvelles addictions pour soutenir le rythme de performance, obésité et anorexie comme expérimentation des limites corporelles, hyperfonctionnement professionnel et épuisements qui mènent au burn-out ceux qui ont dépassé les limites.

    Les deux faces de l’individualisme contemporain
    Selon Robert Castel, l’individu hypermoderne émerge dans les années 1970 dans le monde occidental. Époque flexible, d’hyperconsommation, sans frontières, sans limites et à partir de laquelle se créent deux types d’individus idéaux : l’individu par excès et l’individu par défaut. D’un côté, un individu excessif sur tout (stress, pression, consommation, jouissance, performance, etc.) qui se brûle dans un rapport au temps de plus en plus contraignant, comme si l’état d’urgence était permanent. Ceux-là ont pu vivre leur autonomie parce qu’ils bénéficiaient, à la naissance, de ressources économiques et sociales préalables. À l’autre pôle, des individus qui n’ont jamais bénéficié de supports économiques et sociaux et qui se trouvent, en comparaison des premiers, totalement désinscrits.

    Chez les individus du deuxième type, ce type d’excès se vit dans l’inexistence. Ils sont excessivement inexistants, et ce, surtout si on les compare aux individus du premier pôle. Ils sont les laissés-pour-compte de l’hypermodernité : perte de singularité, effondrement de capacité narcissique, sentiment de non-existence. Ces états expliquent les actes surprenants auxquels ils s’adonnent pour rompre la vacuité de leur existence (prise de risque).

    Un individu flexible
    Comment les gens entrent-ils en relation dans un tel contexte d’immédiateté ?

      Dans un monde où disparaît de plus en plus tout ce qui est durable, Lash (1997) et Sennet (2000) expliquent que l’éducation familiale met maintenant l’accent sur l’adaptabilité et l’adhésion prudente. Les meilleures personnalités sont celles qui sont désengagées, flexibles et capables de se reconstruire. Car les engagements durables nuisent à l’épanouissement de l’individu hypermoderne. Dans cette dynamique relationnelle, le nouveau sujet peut-il donner du sens et éprouver des sentiments dans un rythme d’effervescence aussi soutenu ?

      Maffesoli répond que le sujet hypermoderne est un enfant éternel qui recherche l’intensité du moment et le sentiment de jouissance immédiat. Il y sacrifie les engagements qui procurent des sentiments durables comme l’enfermement dans une identité sexuelle, idéologique ou professionnelle. Pour ces individus, l’ouverture, l’altérité, le dynamisme est infini. On glisse d’un individu stable à un individu aux identifications multiples jouant des rôles variés.

      Les pratiques virtuelles représentent un lieu de prédilection pour diversifier sa personnalité. Ces pratiques consistent, selon Jauréguiberry, à « échapper à la conscience malheureuse de n’être que soi-même » (Jauréguiberry in Aubert 2004 : 21). Internet fournit en effet la possibilité à l’individu de se produire en dehors des rôles sociaux traditionnels et des cadres d’appartenance social.

      Docteur Jekill et Mister Hyde
      Aubert note que l’analyse de l’hypermodernité porte essentiellement sur le caractère destructeur de celle-ci. Elle pose la question à savoir si on peut vraiment réduire la société hypermoderne à un seul registre de régression et de perversion. La première limite qu’elle propose aux critiques de la société hypermoderne concerne la souveraineté de l’individu. Elle reconnaît le caractère totalitaire du marché et le potentiel d’exclusion sociale de l’économie contemporaine. Toutefois, selon elle, l’individu déploie encore des stratégies de résistance face aux marchés. Elle sollicite Asher qui affirme que l’individu hypermoderne est un stratège qui maîtrise de plus en plus son environnement, son espace et son temps. Il note au passage le caractère positif du nouveau lien social : plus fragile mais plus diversifié et suggérant de nouvelles formes de solidarité. Asher reconnaît tout de même que ce rapport au temps et à l’espace est celui des individus près du pôle flamboyant de l’hypermodernité. Ce nouveau type de lien social n’est donc pas généralisable.

      Conclusion
      Aubert rappelle son objectif qui était d’expliquer la société dans laquelle l’individu hypermoderne prend naissance et qui contribue à le produire. La lecture du texte permet donc de comprendre les traits communs des individus hypermodernes et de comprendre ce qui les différencie de l’individu qui les a précédés. L’individu hypermoderne est un Dr Jekyll ou un Mr Hyde ?