Première du documentaire L’école pour moi. Parcours de raccrochage scolaire
Entrevues : Jean-Philippe L.-Louis
Christine Corbeil :Professeure à l'école de travail social, maintenant à la retraite
Ils parlaient de leur expérience de vie avec beaucoup de courage et d’authenticité, je pense que chacun était lui-même dans le récit de son histoire. Ce qui m'a frappé, peut-être ce qui est moins ressorti dans la discussion, c'est qu’il y avait quand même une critique de l'école. La plupart d'entre eux disaient ne pas s'y sentir à l'aise. On parlait de l'école comme d’une prison. Je pense que les lieux physiques aujourd'hui effectivement ne sont pas très attirants, donc à leur manière les élèves disaient, parlaient de leur détresse en rapport avec leur situation familiale, mais une détresse qui se poursuivait même dans le milieu scolaire. Alors, il n’y avait pas de lieu de répit ou de ressourcement. La période du raccrochage dans l'histoire qui nous est racontée a l'air d'être une période plus positive. Ils ont rencontré des gens qui leur ont fait confiance, avec qui ils ont développé une relation de confiance, ils ont retrouvé de l'estime d'eux même. [...] C'est un film qui nous fait réfléchir et la principale qualité c'est de donner la parole essentiellement à des jeunes. [...]
Sébastien Parent-Durand : étudiant tout nouvellement gradué à la maîtrise en études littéraires
Le film réussit vraiment bien à soulever toutes sortes de questions vraiment importantes. Quatorze jeunes qui à eux seuls réussissent à soulever toutes les questions du monde, à mon avis. [...] Ce qui revenait beaucoup, c’était de ne pas apprécier rester assis pendant huit heures sur une chaise à écouter un professeur, à regarder des démonstrations avec de la craie sur un tableau blanc sur vert, donc l'école est ennuyante à ce niveau-là et surtout, elle est conformiste. Le modèle conformiste de nos écoles convient peut-être à une certaine tranche de la jeunesse occidentale, mais pas à tous les jeunes. Il y a différentes façons d'apprendre et je trouve que l'école n’est pas assez flexible à ce niveau-là. Sur le plan pédagogique, ce sont des questions que je me posais avant de voir le film, mais justement, je trouve que le film en fait très bien la démonstration. [...]
Mélissa : Agente de liaison dans les écoles
Ces jeunes-là [...] ont tellement eu des vies difficiles et vécu d'échecs, je trouve, qu'ils sont beaucoup plus persévérants parce que peut-être que nous, qui ne sommes pas habitués à vivre certains échecs, on aurait décroché bien avant. Donc, de dire que ce sont des décrocheurs alors que ce sont des persévérants et des combattants, c'est aussi ce que le film veut démontrer et c'est ce que j'ai beaucoup apprécié. [...]
Herb Duran (traduction)
Je ne comprends pas tout parce que je suis anglophone mais c’était vraiment évident qu’un fil commun reliait tous ces témoignages. On sentait un peu de désespoir mais beaucoup de persévérance et un désir d’améliorer leur sort. Mais l’école telle quelle est actuellement ne convient de toute évidence pas à tous et c’est une grosse tâche de s’y attaquer! “Il y a de l’espoir”, c’est ce que je vais me rappeller de ce film!
Mussa Gain : spectateur du film
[...] Le système sur lequel on s'est toujours basé depuis, je pourrais dire le 18 ou 19è siècle, ça ne rejoint plus les jeunes du 21è siècle à l'ère numérique. On nous enseigne comme on enseignait à nos parents, c’est ce qu’on va reproduire à nos enfants. Le cadre n'est plus pareil, alors il faut le prendre dans l'évolution des choses, et essayer d'écouter les jeunes pour voir qu'est-ce qui leur convient plus, parce qu'ils parlent de l'école comme d’un cadre de vie -et madame Dutil le mentionnait durant la table ronde- , alors que le côté social de l'école à complètement disparu. Le milieu devient même agressant.
Aller à l'école maintenant, c’est autre chose. On a parlé de la transition primaire-secondaire, parce que maintenant, c’est un milieu dans lequel on ne se retrouve plus, on ne se reconnaît plus, c'est quasiment avoir peur maintenant de quitter le primaire alors qu’on était enthousiaste dans le temps de passer les étapes. Il faut repenser à ça.
Marc : Un des 14 jeunes figurant dans le documentaire
J’ai adoré ça, c'était super, je n’ai pas autre chose à dire que ça. Je le montrerais au plus de jeunes possibles, ça va changer leur avenir, leur donner un point déterminant sur ce qu’ils veulent faire plus tard.
France Côté : Travaille auprès de jeunes décrocheurs
C'est un excellent film. Pour moi qui travaille dans le milieu de l'éducation depuis quand même plusieurs années, je vois que ce qu’on entend et ce qu’on voit à travers le film, ce n’est que la pointe de l’iceberg. [...] Les jeunes vivent des situations extrêmes dans beaucoup de cas, et beaucoup d'enseignants vont croire que ces jeunes-là sont des paresseux ou qu’ils ont de la mauvaise volonté. S’ils ont échoué dans le passé, on sait ben c'est de leur faute… s’ils ont échoué dans le passé, pourquoi ils réussiraient maintenant. [...] À travers le film, oui, on mentionne certaines difficultés rencontrées par les jeunes, mais selon moi, on ne mentionne pas assez la problématique reliée au système d'éducation actuel. [...] Souvent la démotivation va venir pour ces jeunes-là par rapport à une situation où ils se cognent à des murs à perpétuité avec un système où ils ne trouvent pas leur place et où il y a peu d'énergie, peu de structures qui vont être mises en place pour accueillir ces jeunes-là, pour justement les amener plus loin pour travailler sur leur sens de l'organisation, pour trouver un but dans la vie, pour travailler sur leur estime de soi. Il n'y a pas de place pour ça. Tout est mis sur la performance, alors qu'on devrait valoriser davantage la persévérance qui va amener, en bout de ligne, une réussite scolaire. Mais parce qu'on s'attend à voir un élève modèle devant les enseignants, on disqualifie tous ceux qu'on pense qui ne réussiront pas et pourtant, ce n'est pas vrai.
Donc, oui, le film c'est une amorce, mais selon moi, l'amorce devrait aller beaucoup plus loin et surtout requestionner justement le système dans lequel ces jeunes-là évoluent. [...]
Bernard Furniker : Travaille en accompagnement thérapeutique et est comédien
J'ai trouvé ça très intéressant, le film en lui-même. Qu'il devienne un outil pédagogique, mais ça, il faut aller plus loin que ça. [...]
On leur a inculqué à ces jeunes que si tu n'étudies pas, tu feras rien dans ta vie, ce qui est faux; en fait ce n'est pas une vérité absolue, et c'est ça, il faut la décriminaliser [cette idée du décrochage] et en faire un outil. Le décrochage peut être prévu dans un cursus de l'éducation et faire qu'à un certain moment, on peut décrocher, pendant un an par exemple, ou deux ou trois, entrer dans le monde du travail et revenir ensuite plus grand et plus mature, plus responsable, plus certain de soi, avoir plus de confiance en soi, et faire des gens qui à la fin de leurs études, vont être performants, vont être des gens responsables. Celui qui décroche n'est déjà pas bien dans sa peau, et on lui met l'étiquette de décrocheur, donc ça empire son handicap, sa situation, son état de décrocheur, alors que ça peut être un atout. Moi j'ai décroché dans ma vie à plusieurs reprises et je suis bien content de l'avoir fait car ça m'a fait découvrir le monde et les études plus tard. Sauf que c'est très difficile de reprendre les études après, car il y a quantité de handicaps, les équivalences, plein de preuves qu'il faut donner alors que c'est un atout. Ça devrait devenir un atout d'avoir goûté au monde du travail, et de reprendre les études. [...]
Sylvie Roy : Responsable des SARCA, à la commission scolaire Marguerite-Bourgeois, sur l’île de Mtl
Moi, je travaille en éducation des adultes dans une commission scolaire, donc je trouve que le film est bien, mais j’amène plus des nuances critiques qui pourraient peut-être être intéressantes à regarder. C’est que je trouve que dans le film on voit des points de vue de quatorze jeunes et que le parcours de raccrochage, il me semble un peu idéalisé. C'est-à-dire qu’il est présenté comme : ça va bien aller maintenant, on est encouragé, on a des rêves et tout, c’est bien maintenant. Mais c’est un grand défi, ils peuvent décrocher encore et le raccrochage est très difficile aussi. C’est un moment précis de leur vie, donc on n’a pas nécessairement la suite des choses.
Je trouve qu’il y avait peut-être un petit peu de pensée magique que les jeunes nous livrent sur leur parcours de raccrochage. Ils ont beau être matures ou ça leur tente de continuer, mais c’est quelque chose qui est plus un défi.
Dans les expériences qu’on montre dans leur raccrochage, comme on est centré sur le parcours des jeunes, on ne voit pas bien la différence entre du raccrochage communautaire, comme à l’Ancre des Jeunes, ou dans les organismes en Belgique. Tout est présenté de la même manière et je pense que dans les grands centres, et je travaille dans un grand centre, il y a des grands défis pour qu’on soit capable d’accompagner ces jeunes-là qui sont fragiles, et dans le film, on ne voit pas la différence entre du raccrochage dans des petits milieux très chaleureux, très humains, et des raccrochages en milieu scolaire qui comportent un grand lot de difficultés dans la motivation et la persévérance aussi.
J’ai été très touchée et très contente d’y assister; ça me fait réfléchir. [...]
Véronique : Mère de Stéphanie Dufresne
Moi ce qui m’a frappé beaucoup, c’est la lucidité des jeunes, la vie est dure mais ils font face avec beaucoup de courage à une situation qui est difficile, l’échec, l’exclusion, le parcours anormal, mais qui y font face avec beaucoup, beaucoup de courage. Ils retombent sur leurs pattes. Il y en a un qui disait que : "on est jeune, mais je suis vieux". Ça m’a beaucoup frappé ça, mais à quelque part, c’est une lucidité ça. La vie est injuste, la vie est dure et il faut trouver notre force en nous-même. J’ai trouvé ça très émouvant et je les ai tous trouvé très attachants.
Maxime Boucher : Intervenant en action collective pour au regroupement des Auberges du Cœur du Québec pour le projet du Rassemblement de la Jeunesse Citoyenne
Ce qui manque dans le film c’est le contexte socio-politique un peu. On se demandait tantôt comment ça marche le raccrochage en France, est-ce que les jeunes vont juste dans une école, dans une non-école où ils apprennent à retourner à l’école, on se demandait tout ça. C’est quoi les autres modèles ailleurs. Et aussi l’autre bout, c’est comment faire en sorte que l’école soit un milieu fort où les jeunes peuvent se développer, mais à partir d’eux-mêmes, qu’ils trouvent les ressources dans l’école pour se développer, mais aussi à l’extérieur de l’école, dans le cas où ils décrochent, où ils dévient du parcours qu’on leur propose; ils trouvent aussi le même accueil ou plutôt la même réception dans la société et tu ne veux pas étiqueter « décrocheur » avec la cicatrice qui vient avec. [...]
Mélanie Marsolais : ROCQLD
Bravo à toute l’équipe PARcours, c'est vraiment un très beau documentaire. La seule chose, c’est qu’on est dans une perspective de parcours de vie. Mais il reste que presque tout ça, le décrochage, le raccrochage, repose encore sur le jeune alors qu’on omet complètement de parler des structures, des cadres. On le voit, il y a des jeunes qui font des mauvais choix et quand ça fait un an ou quelques mois qu’ils ont décroché, ils veulent raccrocher, est-ce que les structures les aident à raccrocher? Les dédales administratifs et les procédures administratives ne leur rendent pas la tâche facile. Pour une erreur de jeunesse, -on se forme à partir de nos essais-erreurs-, c’est une erreur qui leur coûte cher, parce que dès qu’ils sont sortis du système, quand on perd une année, quand on veut revenir, on ne nous donne pas les moyens de revenir. On va nous dire qu’on est soit trop âgé, ou qu’on devrait être en secondaire 3, alors qu’on n’a pas les acquis secondaire 1, secondaire 2. C’est rien pour nous faire raccrocher. Ça nous met en échec déjà. Il y a des modèles, des solutions dans différents pays, mais quand même dans le documentaire qu’on a vu ce soir, ça reposait vraiment sur la volonté des jeunes de raccrocher, mais peut-être aussi qu’il faudrait se pencher sur l’institutionnel, sur les cadres, les institutions publiques, est-ce qu’on leur donne les moyens de raccrocher ? [...]
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